HIRUMA Tomonatsu

Un rayon de lumière brute vient éclairer les vestiges de mes cauchemars, tel le regard bienfaiteur d'Amateratsu sur les ténèbres. Mon corps s'éveille lui aussi lentement, couvert de sueur et bien peu présentable. Un visage prenant plus de ma grand-mère maternelle, fille d'un gaijin et d'une samouraï-ko de la Licorne, même si je tiens ma taille respectable de mon vénérable Père.
Je grogne sous le mal de tête qui assaille mon être, réprimande des kamis sur l'abus de shoshu de la soirée dernière. Un juron bien senti m'échappe alors que je me lève de mon futon pour me diriger vers ce que je pense être l'armoire où je trouverais un kimono confortable.

La chambre est encore plongée dans l'obscurité, le vilain rayon de lumière pénétrant par l'ouverture savamment créée. Surement ma respectable Mère qui ne souhaite pas que je dormes au-delà d'une heure correcte pour une personne de mon rang... Urusai!
Je secoue la tête et fais un pas de plus pour me prendre un coup digne d'une masse gobeline sur le coin de l'orteil. Une nouvelle bordée de juron traverse le calme paisible de la maisonnée. Une servante entre immédiatement dans la chambre, gardant le regard bas devant ma tenue presque inexistante. De toute façon qui porterai un kimono pour dormir par cette chaleur...
Miruko, qui s'occupe de moi depuis que j'ai reçu mon premier nom, se déplace lentement mais avec sérénité dans la chambre pour aller saisir un kimono.

- "Non, ce n'est pas la peine. Je vais prendre un bain pour me rendre présentable. Sinon Mère exigera qu'on me jette dans le puits." dis-je alors que je me dirige vers une autre porte.

Un raclement de gorge résonne derrière moi alors que Miruko me présente respectablement une paire de sandale. Je soupire et les enfile, même si je sais que mon soupir bruyant est plus une protestation de jeune fille que de samouraï.

Après un bain bien mérité, je rentre à nouveau dans mon ancienne chambre pour laisser Miruko me vêtir d'un kimono épais tandis que j'observe mon portrait accroché sur un des murs de la chambre.


Chaque enfant de la famille qui atteint un certain degré d'accomplissement se voit envoyé sur les terres de la Licorne, dans la famille d'un de mes ancêtres. La-bas réside un vieux Gaijin qui possède une technique de peinture des plus particulières. Rien à voir avec les estampes ou autres réalisations à la mode chez les Grues prétentieuses. La toile ici est épaisse et la peinture se doit de représenter fidèlement la personne... même si le décor est imaginé.
J'y suis allée à ma première longue permission suite à ma promotion au rang de Nikutai. Et je n'ai reçu le tableau que lors de ma seconde permission. Et mon époux avait demandé à ce qu'on le lui offre, pour que je sois toujours avec lui lorsqu'il serait au front.
Bien sûr Mère s'y est opposée avec fermeté en soulignant le respect de la tradition, arguant que chaque tableau reposait dans la chambre de son Désigné, protégeant son âme contre les esprits qui souhaiterai la dérober. Ainsi seul l'image du tableau serait dérobée et non l'âme du désigné, car le tableau était une reproduction de l'âme de la personne selon le peintre Gaijin.

Dans la cours je passe devant le puits et je déglutie. Et d'un pas pressé je rejoins ma Mère et mon Père pour déjeuner avec eux... Ai ai, déjà midi. Mais je suis en permission et personne ne me retirera un repos bien mérité. Sauf ma Mère.

- "Kon'nichiwa okāsan, Kon'nichiwa oyaji. Puissent les Kamis peindre de gloire votre destin par cette belle journée." dis-je en m'efforçant à bien articuler et à m'incliner profondément.

- "Kon'nichiwa watashi no shin'ainaru shōjo. Joins-toi à moi et à ton oyaji pour partager avec nous ce repas béni des kamis." Répond ma Mère d'un ton guindé.

Je m'assois en silence sous le regard sévère de mon père, même si je décèle avec facilité un sourire en coin qui se réfléchit sur mes propres lèvres. Un léger soupir de ma Mère nous fait tiquer et nous reprenons notre sérieux.